Retour sur l’apéro avec Annick Billon

La sénatrice Annick Billon entourée des adhérentes et sympathisantes de Femmes en Mouvement

« Lorsque l’égalité est une valeur portée par les politiques publiques, l’espace public s’en trouve sécurisé »

Pour son apéro de novembre, Femmes en Mouvement a accueilli Annick Billon, sénatrice de la Vendée, présidente depuis 2017 de la Délégation aux Droits des Femmes et auteure d’un rapport sur la mobilité des femmes en milieu rural. Rencontre avec une femme pleinement engagée dans la vie publique et dans l’égalité femmes/hommes !

Annick Billon a commencé par retracer son « parcours atypique ». Titulaire d’un BTS d’action commerciale et d’une maîtrise de sciences de gestion, Annick Billon a été durant 10 ans Directrice commerciale au sein du Groupe Kodak. « J’avais une vie professionnelle intense, avec beaucoup de déplacements. Avec trois enfants, et un mari qui lui-même avait une carrière professionnelle dense, cela devenait compliqué à gérer. J’ai décidé d’arrêter en 2000 ». On la sollicite alors pour être sur une liste municipale suite à une modification du code électoral : en 2000, l’obligation de parité sur les listes des communes de + de 1000 habitants venait d’entrer en vigueur. « Personne autour de moi n’était engagée en politique, je n’étais inscrite dans aucun parti, mais j’ai dit oui ! ». C’est ainsi qu’elle rejoint l’équipe municipale du Château-d’Olonne, puis obtient le poste d’adjointe à l’urbanisme : une fonction habituellement confiée à un homme, les femmes occupant plus souvent les postes liés à la culture, à l’enfance, etc. « Je n’y connaissais rien, mais je me suis formée et j’avais une équipe solide de 5 techniciens ». Puis elle devient Vice-présidente de la communauté de communes des Olonnes ainsi que de la communauté d’agglomération, en charge de l’accessibilité, de l’urbanisme, de l’environnement. Enfin, elle occupe le poste de Vice-présidente du syndicat départemental des déchets. Là aussi, c’était la première fois qu’une femme occupait ce poste. Ce n’est d’ailleurs pas passé inaperçu ! Annick Billon fait beaucoup de terrain et affectionne particulièrement les relations humaines.

Sénatrice depuis 2014

En 2014, Bruno Retailleau lui propose de rejoindre la liste d’Union de la droite et du centre pour les élections sénatoriales. Après trois mois de campagne intense dans toutes les communes du département, elle devient ainsi la première femme sénatrice de Vendée et ouvre sa permanence à la Roche-sur-Yon. « En 2020, on m’a sollicitée de nouveau. J’avais gagné en indépendance et en légitimité ».

« Dans les entreprises ou dans la sphère politique, on a besoin de femmes, notamment aux postes de responsabilité. Je suis favorable aux quotas pour faire bouger les lignes. Des progrès restent à faire, par exemple, il n’y a encore jamais eu de femme Présidente du Sénat et encore peu de femmes à la tête des commissions » regrette-t-elle.

« Pour faire avancer la cause des femmes, il est important de faire participer et intervenir les hommes également » ajoute la sénatrice.

En conclusion de cette présentation, Annick Billon indique que, comme beaucoup de femmes, elle a culpabilisé de ne pas être toujours suffisamment présente auprès de ses enfants et qu’elle a connu des difficultés d’organisation, mais qu’elle a bénéficié du soutien de son conjoint et de sa famille. « Mener une carrière en même temps qu’avoir une famille nombreuse, cela demande beaucoup d’énergie, d’engagement et d’investissement, reconnaît-elle, mais cela vaut le coup ! Et mes enfants, maintenant grands, s’en sortent très bien ! ».

Elle a également insisté sur l’importance des roles models féminins. « Il faut montrer aux jeunes filles et aux jeunes femmes que cela est possible. Si je peux inspirer certaines par mon parcours et mon engagement, j’en suis heureuse ». Et de rappeler que lorsque l’on propose à un homme une promotion ou une place sur une liste électorale, en général, il n’hésite pas et accepte tout de suite, alors qu’une femme va inévitablement se poser la question de sa compétence, de sa légitimité. « Les femmes s’auto-censurent systématiquement ».

Ensuite, Annick Billon a évoqué la proposition de loi qu’elle a déposée en 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste. « Ma proposition a été au cœur d’une polémique assez violente autour de l’âge minimum de consentement et j’ai vécu un véritable raid numérique » se souvient-elle. Le texte finalement adopté établit un seuil d'âge de non-consentement à 15 ans et 18 ans en cas d'inceste. « Cette loi a pu passer car la société avait évolué sur ces questions-là et le livre de Camille Kouchner y a beaucoup contribué » indique-t-elle.

Porno : l’enfer du décor

Ensuite, la sénatrice est revenue sur deux rapports sur lesquels elle a travaillé en tant que présidente de la Délégation des Droits des femmes au Sénat : le plus récent sur la pornographie (« Porno : l’enfer du décor») et l’autre concernant les femmes et la ruralité réalisé en 2021 ( « Femmes et Ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité »). « A chaque fois, l’objectif est de faire bouger les lignes et d’améliorer la cause des femmes. La société nous aide aussi à évoluer sur ces sujets » souligne Annick Billon.

« On assiste à un phénomène de massification de la production et de la consommation de la pornographie, avec des conséquences terribles : une image de la femme complètement dégradée, des enfants confrontés de plus en plus jeunes à ces images, violences à l’égard des femmes : viols, actes de torture et de barbarie, sans oublier apologie de l’inceste et de la pédopornographie » explique la sénatrice. La pornographie peut devenir une drogue, certains en « consomment » plus de 3 heures par jour. Il est temps de réagir. « Pendant longtemps, la pornographie était un non-sujet ou alors ne recueillait que des ricanements ». Les choses heureusement commencent à évoluer, la société prend conscience des conséquences néfastes de la pornographie. « A travers nos propositions, notre objectif est de rendre la vie impossible à la pornographie » conclut-elle.

Femmes et ruralités : l’enjeu de la mobilité

Enfin, Annick Billon a évoqué le rapport sur les femmes en milieu rural. Elle a commencé par rappeler que 88% des communes en France étaient rurales et que 11 millions de femmes étaient concernées. Le rapport s’intéresse à différentes thématiques concernant ces femmes : la santé et l'accès aux soins, l’engagement politique, la mobilité, la jeunesse, l’insertion professionnelle, l’entrepreneuriat au féminin, etc. « La mobilité est à l’intersection de toutes ces problématiques, souligne la sénatrice. Elle impacte tous les actes de la vie quotidienne ». Le rapport souligne l’isolement de ces femmes face aux violences conjugales : la sénatrice a rappelé que la moitié des féminicides avait lieu en milieu rural. Les femmes doivent aussi renoncer aux soins face à des déserts gynécologiques et médicaux, des opportunités professionnelles sont plus limitées et les emplois souvent précaires, etc.

« En 2019, 191 mesures d’accompagnement des zones rurales avaient été formulées au Ministre de la Cohésion des Territoires, mais aucune à destination des femmes. C’est pour cette raison que cela nous semblait important de nous pencher sur ce sujet et de faire des propositions concrètes. Les femmes en milieu rural font face à un cumul des inégalités de genre et des inégalités territoriales ». Ce rapport s’est fait l'écho de bonnes pratiques et initiatives locales innovantes qui pourraient être dupliquées et préconisait 70 recommandations afin de renforcer l’autonomie et l’intégration sociales, professionnelles et politiques des femmes. « Une meilleure mobilité étant l’une des clés pour répondre à ces différentes problématiques » affirme la sénatrice.

Après quelques questions des adhérentes, Annick Billon a conclu en rappelant l’une de ses convictions : « Plus l’égalité est portée dans les politiques publiques et est une réalité, plus il y a de sécurité dans l’espace public. Le combat en faveur de la mixité et de l’égalité est bénéfique pour toute la société ».

Son prochain rapport devrait s’intéresser à la santé des femmes et à la parentalité dans les territoires ultra-marins.

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