• Magali Richard

    Magali Richard, conductrice de TGV

    Entrée à la SNCF il y a 33 ans comme contrôleuse, Magali a gravi les échelons pour atteindre il y a 10 ans le poste de conductrice TGV. Elles sont actuellement 7 sur 1500 à occuper cette fonction !

    « Rien ne me prédestinait à devenir conductrice de trains, explique Magali. Après mon bac, j’ai fait de la vente chez Darty pendant 5 ans, mais cela ne me passionnait pas. Par hasard, lors d’un déjeuner entre voisins, j’ai rencontré un contrôleur qui m’a dit que la SNCF recrutait ! ». C’est ainsi qu’à 23 ans, Magali devient contrôleuse à Lyon. « J’ai toujours beaucoup aimé la conduite et j’allais régulièrement dans la cabine de conduite échanger avec les conducteurs, mais deux éléments me freinaient un peu : ne pas voir de femme conductrice et me retrouver seule la nuit au milieu de nulle part ! ». Puis elle voit une femme se lancer sur Lyon et c’est le déclic ! Elle postule et réussit les tests.

    Pendant 1 an, elle sera formée à la réglementation et à la conduite. « Ce fut une année compliquée car contrairement aux autres personnes, je n’avais aucune notion d'électricité et de mécanique car j’avais arrêté la physique au lycée. Et les cours allaient très vite ! Mais je me suis accrochée » se souvient-elle. Elle devient ainsi en 1996 conductrice de TER et de trains de fret. A l’époque, il y avait 18 femmes sur les 18000 conducteurs de la SNCF ! « Cela a été compliqué de me faire accepter et certains pensaient que j’allais tenir 6 mois…mais cela fait maintenant 30 ans ! » dit-elle en souriant. « J’ai toujours conservé un look très féminin et certains me disaient que ce n’était pas la place d’une « petite minette » d’être dans des gares de triage en pleine nuit ». A partir de 2000, Magali conduit des trains Corail grandes lignes et en 2003, elle arrête le fret. Entretemps, elle a eu deux enfants puis a divorcé. « J’ai passé mes deux grossesses dans un bureau, je n’ai pas du tout aimé cela. J’ai vite repris la conduite ! ». Niveau organisation, elle a pu compter sur une super nounou puis sur son nouveau compagnon. « Sans lui, je n’aurais pas pu mener ma carrière de la même façon » tient-elle à préciser. Ses horaires peuvent changer d’une semaine à l’autre, et elle passe certaines nuits loin de chez elle. Entre 2008 et 2013, elle privilégie les TER et les intercités.

    En 2013, alors qu’elle a 45 ans, la SNCF lui propose de suivre la formation pour devenir conductrice de TGV. « J’avais très envie d’y aller ! ». Elle juge la formation plus « facile » que la première car cette fois-ci « la technique, je la pratiquais depuis plus de 15 ans ». Elle perçoit également une évolution dans les regards. « Les anciens qui étaient les plus réticents vis-à-vis de la féminisation étaient partis. Mais à aucun moment, je n’ai été chouchoutée ou privilégiée, souligne-t-elle. Une fois, je suis tombée en panne. Là, j’ai bien senti que plutôt que de venir m’aider, ils étaient curieux de voir comment j’allais me débrouiller toute seule. J’ai le sentiment que lorsqu’on est une femme, on doit faire ses preuves tout le temps. Peut-être un peu moins dans l’univers TGV. En tout cas, j’ai mis un point d’honneur à ne jamais rien demander, pour prouver que même avec deux jeunes enfants, divorcée, je pouvais le faire ! ».

    Dans ce métier, Magali apprécie plus que tout l’autonomie. « Dans ma cabine de conduite, il n’y pas quelqu’un derrière moi pour me dire que faire. On nous fait confiance pour prendre les bonnes décisions ». Elle apprécie également le fait de bouger, de pouvoir visiter les villes où elle se rend. « Dès que l’on arrive dans une ville, je pars me balader, faire du shopping ou visiter un musée. Car oui, je le revendique, on peut aimer la mode, être conductrice de train et bien faire son métier ! ». Elle a fait toutes les destinations au départ de Lyon : Genève, Paris, Lille, Strasbourg, Nantes, Rennes, Marseille, Montpellier...

    Aux jeunes filles qu’elle rencontre dans des écoles ou des lycées, elle leur dit de ne pas se mettre de barrière et que la SNCF met des moyens et fait des efforts pour recruter et intégrer les femmes.

    « En revanche, je ne suis pas favorable aux quotas ou à une stricte parité. C’est très bien de rendre possible et de promouvoir la féminisation de certains secteurs ou métiers, mais cela m’agace que l’on vienne les chercher pour remplir des quotas ou pour de l’affichage ».

    A 56 ans, Magali ne compte pas prendre sa retraite de la conduite tout de suite. « Les contraintes comme se lever en pleine nuit sont difficiles, mais une fois que je suis aux commandes du TGV, quel plaisir de le conduire ! » Ses deux enfants, maintenant adultes, sont fiers d’elle. « J’ai voulu leur montrer qu’il était possible de tout mener de front si on est bien accompagné et motivé » conclut-elle.

  • Muriel Sola-Ribeiro

    Muriel Sola-Ribeiro, conductrice de bus chez Keolis

    Lignes de conduite

    Déterminée et engagée, Muriel Sola-Ribeiro a consacré plusieurs années de sa vie à la promotion du vélo à Bordeaux, notamment auprès des femmes, avant de devenir une conductrice de bus épanouie et une blogueuse « croqueuse » d’anecdotes.

    Initialement professeure d’arts plastiques, Muriel a enseigné quelques années comme remplaçante dans des collèges bordelais. « Passionnée de dessin et d’histoire de l’art, j’aimais beaucoup ce métier » se souvient-elle. Elle prépare le diplôme du Capes mais « parasitée par les petits boulots » qu’elle est obligée de faire en parallèle pour gagner sa vie et se heurtant à « un milieu fermé et masculin », elle n’arrive pas à le décrocher. Elle se réoriente vers l’animation professionnelle et intègre un centre aéré en milieu rural. « Il y avait une attente énorme de la part des familles, souvent néo-rurales et habituées à la richesse de l’offre en ville. Cela m’a incité à être créative pour mettre en place des activités sympas. Par exemple, j’ai travaillé avec une maraîchère pour apprendre aux enfants l’importance des saisons et du travail de la terre ».

    Ensuite, elle retourne vivre à Bordeaux et est recrutée par une association de promotion de vélo où elle restera près de 10 ans. Elle est chargée de lancer une vélo-école pour les femmes d’origine étrangère. Le projet est financé par des fonds européens. « Je suis allée voir ce qui se faisait en Hollande et à la Rochelle et j’ai adapté le dispositif à Bordeaux. On m’a laissé les coudées franches et cela a très bien marché » se souvient-elle. « Souvent dans les métiers d’aide à la personne et sans permis de conduire, le vélo permettait à ces femmes d’aller d’un rendez-vous à l’autre et d’optimiser leurs journées sans être dépendantes des transports en commun. Le vélo est un vrai vecteur d’émancipation » constate Muriel. Enceinte de sa fille, elle passe la main puis devient la directrice de la structure. En 2013, elle reçoit la Médaille de la Ville des mains d’Alain Juppé (alors maire de Bordeaux). Mais cette mise en lumière crée des jalousies et accentue les désaccords. « Je me heurte au plafond de verre et mon travail se dégrade » se souvient-elle. Elle préfère partir.

    Fermement décidée à retrouver rapidement du travail, Muriel réseaute et se rend à des événements professionnels, avec son fils de quelques semaines en écharpe. A la suite d’un Salon organisé par la SNCF pour les femmes dans les transports en commun, une recruteuse de Kéolis lui propose de devenir conductrice de bus. « Je lui ai ri au nez en lui disant que je n’avais pas le permis bus et que je ne me déplaçais qu’à vélo ! ». Mais l’idée fait son chemin et elle décide de sauter le pas. Dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, elle suit une formation à l’AFPA, avec à la clé un CDI chez Keolis Bordeaux Métropole Mobilités. « Pendant trois mois, j’ai passé le code, les cours de conduite, les manœuvres, etc. On me surnommait Mamie Simone car j’étais très lente ! se souvient-elle en souriant. Je suis très prudente car je suis consciente de la responsabilité que l’on a au volant d’un bus. 13,5 mètres de long, ce n’est pas rien, sans oublier les angles morts ». Elle s’accroche et s’entraîne, pendant les pauses déjeuner, aux marches arrière qui lui résistent. Et au bilan : d’excellentes notes et son diplôme en poche. « Mon mari s’était arrêté de travailler durant ma formation pour que je puisse m’y consacrer à 100% et pour s’occuper de nos 2 jeunes enfants. Cela a été dur mais j’étais très fière de moi ».

    Depuis 2018, Muriel est donc conductrice de bus chez Keolis. Pendant 3 ans, elle est « volante » : formée sur une petite dizaine de lignes, elle conduit différents modèles de bus dont un bus articulé (18 mètres de long). Les horaires sont variables et elle ne connaît son planning que 3 jours à l’avance, ce qui nécessite une bonne organisation familiale. « On m’a ensuite fait passer sur tram, considéré comme la tête de pont du réseau TBM mais cela ne me correspondait pas : pas assez de relationnel à mon goût et trop de procédures ». Soutenue par son manager et par la DRH, elle retrouve les lignes de bus pour son plus grand bonheur. Maintenant, Muriel est « classée », cela signifie qu’elle a une ligne fixe. D’abord sur la ligne 1, la plus longue du réseau avec près de 50 km entre la gare et l’aéroport. « Une ligne très technique, ultra-citadine, avec beaucoup de monde et de vente. Cela me plaisait beaucoup ». Et aujourd’hui, sur la ligne 31. Elle apprécie la bonne ambiance entre conducteurs* et le soutien de son manager.

    Muriel intervient aussi dans les écoles pour parler de son métier. « Les rencontres sont toujours très riches. J’évoque les aspects positifs du métier sans en cacher les difficultés (rythme, horaires décalés…). Je leur conseille d’avoir un bon partenaire de vie ! Et surtout je dis aux jeunes filles, vous aussi, vous pouvez le faire ! N'ayez pas peur de vous imposer en tant que femme. Mais lorsque je lis le dernier rapport sur le sexisme, je me dis qu’il y a encore tellement de travail à faire pour démonter les préjugés ! » s’insurge Muriel.

    Parce qu’elle aime son métier et ses échanges avec les voyageurs, Muriel a commencé en 2019 à écrire sur son profil Facebook des anecdotes tirées de son quotidien. « Un jour, mon chef arrive avec mes écrits imprimés. J’ai cru que c’était pour me réprimander, se souvient-elle. En fait, il m’a dit que tout le monde adorait et de continuer ! ». Elle ouvre alors un blog, Brèves de Talanquère pour élargir son audience, où elle publie 1 à 2 fois par mois. « Pas plus, pour créer l’attente et la curiosité » glisse-t-elle en souriant. Ses billets, joliment ciselés, mêlent bonne humeur, tendresse, humour et parfois coup de gueule ! « J’aime mon métier, à la fois technique et humain. Je n’ai jamais l’impression de vivre la même journée, selon la météo, la circulation et les voyageurs » conclut-elle. Allez lire son blog : c’est elle qui en parle le mieux ! 😊

    *1800 conducteurs et conductrices à Bordeaux, dont 21% de femmes.

    ** talanquère : barrière séparant le taureau du public. Définition familière : dans un bus, petit comptoir séparant les passagers du conducteur

  • Katia Grain

    Katia Grain, conductrice de trains en Alsace

    A fond de train,

    Katia Grain, ou TchooTchooGirl sur les réseaux sociaux, est tombée dans le ferroviaire à 19 ans et depuis, elle évolue avec passion dans cet univers. Elle est aujourd’hui conductrice de trains en Alsace pour Ter Fluo Grand Est.

    Accueillie dans une famille d’accueil en or à 2 ans, Katia savait qu’à sa majorité elle devait partir pour laisser sa place afin qu’un autre enfant ait la même chance qu’elle. Bac en poche, Katia se lance dans un BTS Tourisme avec juste sa bourse de 550 euros pour se loger et vivre, mais sans grand enthousiasme.

    Par hasard, en été 2017, elle tombe sur une annonce pour être contrôleuse de train saisonnière. Et là, coup de cœur pour le train, l’ambiance, le rythme de vie.

    « Je n’y connaissais rien, mais j’étais motivée, se souvient-elle. J’ai été formée à la sécurité et à la réglementation et puis, c’était parti ! ». Elle discute beaucoup avec des conducteurs de train, qui la poussent à tenter sa chance dans les métiers de la traction. Katia postule donc sur le site de la SNCF, passe des tests, les réussit, quitte sa Normandie pour l’Alsace où elle suit la formation d’une année pour devenir conductrice de train. « Je ne vais pas mentir, c’était assez compliqué, mais je n’ai rien lâché ! ». La formation alterne théorie en salle et pratique avec des moniteurs. Katia est formée à la conduite des TER et obtient des qualifications pour trois types d’engins moteurs, parmi les plus modernes.

    Katia se souvient très bien de son premier trajet toute seule : le 12 février 2019, sur le trajet Colmar-Metzeral. « J’étais super stressée, j’ai beaucoup transpiré alors qu’il faisait super froid ! » se souvient-elle avec un grand sourire. Mais tout se passe très bien. Et depuis, c’est le bonheur ! Elle est rattachée au dépôt de trains de Mulhouse (jusqu’à mars 2024) et fait partie de la « réserve »*. Ce qui signifie que son emploi du temps est aléatoire, les horaires souvent connus la veille pour le lendemain, et il lui arrive de passer quelques nuits hors de chez elle.

    Des anecdotes de trains, elle en a plein ! « Je conduis de temps en temps le conducteur de train qui m’a donnée envie de faire ce métier et que je considère comme mon mentor, lorsqu’il vient voir sa famille dans l’Est. Je me souviens aussi d’un 31 décembre, il était passé minuit à Colmar et jusqu’à l’arrivée en gare de Mulhouse, je voyais des feux d’artifice à gauche et à droite de la voie, c´était magique ! Ou encore une petite fille sur le quai qui m’avait fait coucou, je lui ai dit un petit mot avec l’annonce sonore. Lorsqu’elle est descendue, elle est venue me voir. J’en avais les larmes aux yeux ».

    Elle informe les passagers et quand elle est de bonne humeur, elle n’hésite pas à y mettre un peu d’humour !

    « C’est un métier très solitaire, on se croise juste entre conducteurs. Mais j’aime bien être dans ma cabine, aux manettes, c’est le plus beau bureau du monde pour moi » explique Katia. Le métier de conductrice de train est technique, très réglementé, avec des procédures de sécurité assez lourdes.

    Katia va bientôt aller rejoindre son amoureux, également conducteur de train, à Strasbourg, où elle conduira d’autres trains, pour lesquels elle est en train de se former.

    En février 2021, à son arrivée en Alsace, elle rejoint X (ex-twitter) sous le pseudo TchooTchooGirl, et a créé autour d’elle une communauté de 21000 abonnés. « Je suis très reconnaissante car je reçois beaucoup de mots très gentils, très bienveillants » se réjouit-elle, avec humilité.

    Elle invite les jeunes filles à s’intéresser aux métiers du ferroviaire. « Conductrice de trains est un métier d’avenir, qui offre de belles opportunités. Il y a actuellement une grosse pénurie dans ce métier ». Et elle a l’impression de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, en limitant l’usage des voitures. « C’est un métier utile, où l’on est vite responsable et autonome. On rend vraiment service aux gens, on permet de jolies retrouvailles ». Même si Katia est consciente des difficultés : réseau vieillissant et coûteux, informations aux voyageurs parfois insuffisantes.

    Être une femme dans ce secteur, atout ou handicap ? « J’ai un côté naïf, idéaliste mais pour moi le sexisme, c’est vraiment n’importe quoi ! Cela relève du Moyen-âge. J’y ai déjà été confrontée, mais je l’ignore ». Elle trouve important que des réseaux tels que Femmes en Mouvement existent.

    Son rêve ? « Que tout continue ainsi ! J’ai un métier que j’aime, la santé, un amoureux, mes chats ! Je suis vraiment très reconnaissante de ce que j’ai ». Passionnée de randonnée, elle est en train de lancer un site internet pour recenser les randonnées en Alsace accessibles… en train bien sûr !

    *Conducteur de réserve correspond à un rôle de remplaçant qui prend le relais de la personne titulaire au pied levé si cette dernière s'avère être absente ou malade.

  • Isabelle Lesens

    Le vélo comme fil vert

    Entre Isabelle et le vélo, c’est une véritable histoire d’amour. « Tout a commencé quand j’ai rencontré (sic) mon premier vélo de randonnée d’adulte, à Rouen, alors que j’étais en recherche d’emploi. Je me l’étais fait fabriquer. Une fortune pour moi à l’époque, mais cela en valait le coup ! » se souvient-elle avec émotion. « Il m’a sauvée la vie… j’ai alors su que le vélo allait être en centre de ma vie » poursuit-elle.

    Son parcours professionnel ("je préfère le terme « parcours » à « carrière »", observe-t-elle, en souriant) se construira donc autour de la petite reine. Deuxième rencontre marquante : celle avec Jacques Essel en 1981, un « intellectuel anarchiste brillant », qui soutenait de multiples causes, dont celle du vélo. « Grâce à lui j’ai compris que le vélo serait mon outil de transformation urbaine ». Parmi ses principaux faits d’armes et sources de fiertés : le 1er palmarès des villes cyclables qu’elle publie en 1990 dans 50 millions de consommateurs après un tour de France de 9 mois et qui lui attirera autant de sympathies que d’inimités, l’ouverture des voies sur berges le dimanche aux vélos et aux piétons à partir de 1994, l’organisation du Congrès mondial Vélo City en 2003 ou encore le lancement de son blog Isabelle et le vélo en 2008, qu’elle conçoit davantage comme une lettre professionnelle que comme une gazette. « Animer un blog est une activité très chronophage, d’autant que je publie 2 à 3 fois par semaine » explique-t-elle. Son blog est très reconnu dans l’écosystème du vélo et reçoit la visite de 3000 visiteurs par jour en moyenne. Elle y accueille des chroniqueurs, dont Abel Guggenheim (dont nous avions fait le portrait en février 2023).

    Isabelle Lesens a travaillé comme chargée de mission à la DATAR (ex Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) de 1982 à 1990, notamment en charge de la lettre mensuelle, puis a été la première consultante en politiques cyclables en France et a réalisé de nombreuses missions auprès de collectivités locales. Elle a également été pigiste pour différents médias destinés au grand public, aux élus locaux ou aux professionnels (urbanisme…). Depuis 2014, elle est élue aux mobilités actives à la mairie du 15ème arrondissement de Paris.

    Concernant la nouvelle place accordée au vélo à Paris, Isabelle se réjouit de « ces pistes cyclables structurantes et qui permettent de traverser la ville », en revanche, elle regrette « les trop nombreux compromis faits contre l’intérêt des cyclistes », tels que les pistes à double sens, le peu de soin accordé aux détails ou encore l’aménagement des intersections insuffisamment travaillées. « Trop d’aménagements sont faits de force, sans considération de la vie locale ou de la beauté urbaine » regrette-t-elle.

    Son engagement féministe a évolué au fil des années. « Je suis consciente qu’être une femme a été la principale cause de mes difficultés professionnelles » observe-t-elle. « A plusieurs reprises, alors que j’étais pleinement légitime et compétente pour le poste ou le contrat, c’est un homme qui a été choisi, souvent pour de mauvaises raisons ». Jeune, Isabelle n’a pas fait partie de mouvement féministe mais l’âge venant, elle a ressenti l’envie d’aider les jeunes femmes dont celles du milieu du vélo, afin qu’elles puissent y prendre toute leur place.

    « J’ai adhéré à Femmes en Mouvement car cela m’agaçait prodigieusement de ne voir que des hommes invités à prendre la parole lors des conférences. Il était temps que les experts soient aussi des expertes ! C’est une des actions essentielles et efficaces menées par Femmes en Mouvement ». Isabelle estime également très positive la sororité prônée par notre réseau. « Il est important de valoriser les femmes à tous les niveaux, de la conductrice de bus jusqu’à la cadre dirigeante » conclut-elle.

    Ses conseils aux jeunes femmes : être efficace, professionnelle, honnête (« pour pouvoir se regarder dans le miroir »), et ne pas vouloir être chef avant d’être compétente.

  • Charlotte Guth

    Pilote du Plan Vélo à Paris

    « Enfant, j’aimais réfléchir sur le fonctionnement des objets techniques » se souvient Charlotte Guth. Douée en sciences et entourée de deux parents ingénieurs, elle se dirige vers des études d’ingénieure. Après Centrale Lyon, elle travaille pendant 8 ans au sein du groupe Setec dans la conception et le suivi d'aménagements urbains : voies, trottoirs et pistes cyclables, tramway, parcs…

    En 2018, elle a l’opportunité d’intégrer la Ville de Paris comme Cheffe de la Mission Aménagements Cyclables à la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD). Elle s’occupe de piloter la mise en œuvre des pistes cyclables du Plan Vélo 2015-2020 dont des opérations emblématiques (Champs-Elysées, rue de Rivoli, quais Rive-Gauche, etc.). « J’avais effectué mon stage de fin d’études aux Pays-Bas où j’avais naturellement fait du vélo. A Paris, j’ai commencé comme beaucoup par le Vélib' pour les loisirs, puis je me suis mise à aller au travail à vélo, avant de finir par acheter le mien. Ce poste était donc une bonne manière de réunir mes compétences professionnelles et mon intérêt très fort pour le vélo ». En 2021, ses missions s’élargissent puisqu’elle devient Cheffe de la Mission Vélo à la DVD. A la tête d’une équipe d’une vingtaine de personnes, elle a également pris en charge le suivi budgétaire du Plan Vélo et la maîtrise d’ouvrage de la réalisation des pistes cyclables.

    « L’aménagement de l’espace public est à l’interface avec de nombreuses parties prenantes et décideurs. La mise en place de pistes cyclables nécessite beaucoup de dialogue avec les différentes administrations de la Ville de Paris, les cabinets des élus mais aussi avec les usagers du vélo, de la rue, les commerçants, la RATP, la Préfecture de Police, la Région, les départements riverains, etc.» C’est une école de patience et de pédagogie, estime-t-elle. Le Plan Vélo représente un important travail de préparation et d’arbitrage et ensuite son équipe veille à ce que la solution retenue soit bien réalisée.

    Sa plus grande satisfaction : permettre à de plus en plus de personnes de se déplacer à vélo. « C’est une belle reconnaissance de notre travail de voir dans les rues de Paris de plus en plus de cyclistes, et notamment des femmes, des enfants ou des personnes âgées ». Les chiffres ne sont pas encore paritaires ni en termes d’âge ou de sexe mais il y a des progrès. « Quand on construit des pistes sécurisées/protégées, elles sont utilisées ! Cela permet de convaincre les gens qui craignent de se lancer ».

    En France, le regard sur le vélo a beaucoup évolué. « Il y a encore quelques années, le vélo n’était pas dans la carte mentale des décideurs ou des usagers. Sa pratique était anecdotique, tandis qu’aujourd’hui le vélo est considéré comme un vrai mode de transport, faisant partie du panel des solutions pour aller vers une mobilité plus durable ».

    « Paris s’est lancé tardivement dans l’aménagement de pistes cyclables mais depuis elle a rattrapé son retard et régulièrement, des délégations étrangères viennent voir ce que nous avons mis en place » observe Charlotte.

    Adhérente depuis 2020 à Femmes en Mouvement, c’est une façon pour elle d’agir en faveur d'une augmentation de la place des femmes dans les métiers techniques du transport . « Dans mes fonctions, j’œuvre à la mobilité, mais pas spécifiquement à celle des femmes, même si cela y participe. C’est pour cela que j’estime important d’adhérer à Femmes en Mouvement et de l’aider à se développer. Ce réseau mène des actions utiles et l’enthousiasme du bureau fait bouger les lignes. « La lutte contre le patriarcat est toujours d’actualité ! » juge-t-elle. Elle apprécie notamment les rencontres mensuelles, avec « des intervenantes très professionnelles, au parcours intéressant ».

  • Muriel Larrouy

    Agir pour améliorer la mobilité des usagers

    Dans les années 1990, après trois années de sociologie, Muriel Larrouy, poursuit par une maîtrise puis un DEA en sociologie & politiques publiques. « Je voulais non seulement comprendre le monde mais aussi agir pour le transformer ». Elle entre dans la vie active comme chargée de mission au sein de l’Observatoire des relations professionnelles d’un syndicat professionnel. Elle mène par exemple une étude sur l’impact de la réduction du temps de travail sur la formation professionnelle. « Ce n’était pas ma première confrontation avec les inégalités de genre. En effet, les femmes prennent moins le temps de se former hors du temps de travail » se souvient-elle. 

    Elle se rend compte que « l’analyse, c’est bien, mais loin de l’action ». Elle a alors l’opportunité de faire une thèse en entreprise, à la RATP (2001-2004), sur la politique d’accessibilité des bus. Elle soutiendra sa thèse « L’invention de l’accessibilité. Des politiques de transports des personnes handicapées aux politiques d’accessibilité aux transports » en 2006.

    Ensuite, elle travaille pendant presque 10 ans comme responsable des transports en commun au sein de la collectivité territoriale de Saint Quentin en Yvelines. Sa mission est à la fois stratégique et opérationnelle : définir, piloter et déployer la politique des transports publics (soit plus de 50 lignes de bus et cars) afin qu’elle soit en adéquation avec les besoins des usagers. Elle apprécie la diversité des dossiers à gérer : renforcer ou restructurer l’offre d’une ligne, améliorer la sécurité des passagers, ou encore la formation des contrôleurs, etc. « Dans les transports en commun, les politiques publiques ont des chaînes de décision et des temporalités plutôt réactives, contrairement à d’autres politiques publiques comme celles de l’habitat ou de l’emploi par exemple. Ce sont des politiques publiques exigeantes qui ne laissent pas le droit à l’erreur dans la construction de l’offre et qui en même temps peuvent être très gratifiantes car elles donnent la possibilité d’améliorer la vie des gens parfois rapidement. Ce qui permet de pouvoir évaluer rapidement leur impact » apprécie-t-elle.

    Puis, elle intègre en 2016 le Ministère de la Transition écologique, comme chargée de mission accessibilité sur le volet transport. Son objectif : « changer en mieux la qualité de vie des personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite ». Cela se traduit notamment par le pilotage, la conduite et l’animation des deux volets de la politique nationale d’accessibilité des transports, celui des aménagements dans tous les modes de déplacements et celui de l’information voyageurs. « Le cadre législatif français est très porteur avec les lois de 2005 et de 2014. L’Europe est également moteur sur ces questions » estime-t-elle. « L’accessibilité s’améliore : par exemple dans les gares, une vraie dynamique est lancée, mais il y a encore beaucoup à faire ». Les aménagements sont variés et concernent tous les handicaps (physique, sensoriel, cognitif, psychique… : guidage sonore, miroir dans les ascenseurs, lumière plus douce, rampes d’accès, etc.

    En parallèle, Muriel Larrouy est une militante féministe. « Au début des années 1990, l’élue de Poitiers, Catherine Coutelle, à l’initiative des « Agences des temps » (qui visaient à favoriser l’articulation entre vie privée et vie professionnelle), avait lancé une association « Femmes en Mouvement, les transports au féminin » à laquelle j’avais adhéré. Elle s’était notamment battue pour donner plus de place aux femmes dans les transports. Elle s’était ainsi mobilisée pour faire évoluer les horaires des bus pour les femmes qui avaient des horaires décalés, telles que les aides-soignantes, les infirmières ou les femmes de ménage ». Lorsque Marie-Xavière relance Femmes en Mouvement en 2015, elle y adhère tout de suite.

    « Selon moi, une association telle que Femmes en Mouvement est indispensable, pour le côté sororité et réseau. Les formations initiales spécialisés dans les transports sont récentes, il n’existe donc pas vraiment de réseaux d’anciens. Par ailleurs, dans les métiers du transport, les femmes sont parfois isolées dans leurs collectivités. D’où l’importance de pouvoir se réunir et d’échanger ». Pour elle, le combat en faveur de l’égalité femmes/hommes est important. « Je viens d’un milieu agricole où les inégalités entre les filles et les garçons existaient dès le plus jeune âge. Les filles débarrassaient la table pendant que les garçons jouaient dans la cour et les activités extra-scolaires étaient très stéréotypées. Cela m’a forgé de vraies convictions féministes » explique-t-elle. Concernant les transports en commun, Muriel se bat pour que les femmes y aient toute leur place. « Il est important de mieux prendre en compte les besoins et les attentes des femmes, tant en termes de sécurité que d’horaires ».

    Enfin, Muriel est une militante vélo, au sein de l’association Vélosqy (antenne de l’association régionale MDB), qui propose entre autres, à des femmes d’apprendre à faire du vélo et à circuler en ville avec. « Le vélo reflète les inégalités de genre. Pourtant, il est un outil d’autonomie et de liberté très puissant pour les femmes aussi bien que pour les personnes en situation de handicap » conclut-elle.

  • Nathalie Ancelin

    Nathalie Ancelin

    Etudes de marché, ouverture culturelle, transport, place des femmes, engagement : voici les mots clés qui ont jalonné et nourri le parcours professionnel de Nathalie.

    Après une maîtrise de psychologie sociale et du travail, Nathalie Ancelin travaille pendant 18 ans dans le domaine des études qualitatives. D’abord pour un petit cabinet français, puis au sein d’un groupe international, ce qui lui permet de travailler sur des projets interculturels.

    En 2000, elle intègre le groupe PSA Peugeot Citroën où elle restera 9 ans, à la direction de la Qualité (« ma mission était de donner aux ingénieurs Qualité une réalité aux clients »), puis au marketing stratégique (« un service très challengeant »).

    Nathalie a une longue histoire avec la voiture. « Je suis une baby-boomeuse. Pour mes parents la voiture était symbole de réussite : pour ma mère, une des rares avoir le permis en 1956 là où nous habitions, avoir sa voiture fut pendant 50 ans le signe d’abord de son émancipation, puis de sa liberté, au même titre que travailler ; pour mon père c’était un attribut esthétique, de maîtrise et de succès. »

    « C’est, en 1986, en arrivant à Paris que j’ai vraiment découvert les transports en commun – train, métro- au quotidien et qu’avoir une voiture était le plus souvent un fardeau ! » raconte-t-elle. « En 36 ans à Paris j’ai eu deux ans une voiture, sinon j’en loue. Car la voiture reste une nécessité et un moyen d’indépendance en province, hors des grandes agglomérations, a fortiori en zone rurale »

    En termes de mobilité, Nathalie est aujourd’hui dans une réflexion sur la réduction des déplacements. « Pourquoi se déplace-t-on autant ? s’interroge-t-elle. Comment se déplacer facilement certes et surtout moins. Aujourd’hui réduire sa mobilité relève d’une posture quasi-philosophique ou au moins politique, reste à l’état de signal faible... et pour moi, un défi ».

    Après 30 ans de salariat, elle s’installe en indépendante tout en se formant à la prospective stratégique au CNAM, et propose ses services en tant que consultante Innovation & Prospective. « Durant ces années, je me suis beaucoup auto-formée car en indépendant, on ne bénéficie plus des formations acquises, à la marge, avec ses collègues et, organisées, par l’entreprise ». Elle se forme notamment au Design Thinking et choisit comme sujet la mobilité en zone rurale, « un sujet passionnant et peu étudié en 2013 ».

    C’est lors d’une des conférences auxquelles elle assiste, qu’elle rencontre Marie-Xavière qui présentait son livre sur les taxis. Elle apprécie son travail d’enquête et son énergie et répond donc positivement lorsque Marie-Xavière lance un appel, l’été 2015, pour créer Femmes en Mouvement pour devenir membre fondatrice.

    « J’ai été sensibilisée très jeune à la place et aux combats des femmes. Ma mère nous a donné le modèle d’une femme active et nous a transmis l’idée que travailler était synonyme de liberté pour les femmes ». En revanche, Nathalie refuse l’exclusion des hommes des actions entreprises et l’opposition des genres (les débats actuels sur le genre la mettent souvent mal à l’aise). « Je n’ai jamais mal vécu le fait d’être régulièrement la seule femme chez PSA, car je ne craignais pas de répondre et de prendre ma place » se souvient-elle. « La mixité et l’inclusion sont deux valeurs des Femmes en Mouvement auxquelles je suis profondément attachée ».

    « Ne voir que des hommes dans les instances de décision ou lors des conférences, là, il y a un vrai combat à mener pour faire évoluer les mentalités et reconnaître l’expertise des femmes ».

    « Les premières années, Femmes en Mouvement, c’était un petit noyau de 7 personnes, se souvient Nathalie. Nos réunions de bureau avaient un format intimiste et nous étions très engagées et convaincues de l’importance de rendre visibles les femmes dans le secteur des transports. Puis à partir de 2019, le bureau s’est professionnalisé, structuré et le réseau s’est développé ». Nathalie a notamment conçu et animé des ateliers avec Rêv’elles pour attirer des jeunes femmes vers les métiers des transports. « Cela a mobilisé beaucoup de temps et d’énergie, pour des résultats décevants » reconnaît-elle. « Il est en fait très difficile de mobiliser les jeunes femmes et envisager pour leur avenir les secteurs professionnels traditionnellement masculins, tel le transport, et aussi la chimie, le BTP, etc.». Elle a envisagé la mise en place d’un groupe de réflexion avec les RH des entreprises des secteurs à forte image masculine pour « trouver les leviers de communication qui démontent les freins et les biais cognitifs et favorisent l’attrait pour nos métiers. Mais ce n’est pas simple ».

    « Cela vaut le coup de s’engager car se priver des talents de plus de la moitié de la population mondiale c’est restreindre le champ des possibles » conclut-elle.

  • Abel Guggenheim

    Cycliste et féministe dans l’âme

    « J’ai fait des études d’ingénieur aux Ponts et Chaussées, mais, par choix, je n’ai jamais exercé comme ingénieur » explique en souriant Abel Guggenheim. Agé de 21 ans au moment de mai 68, Abel participera au mouvement étudiant et décide de poursuivre des études en documentation à l’Institut national des Techniques de la Documentation. 

    Une anecdote lui revient à l’esprit : “nous étions 8 garçons pour 111 filles, mais c’est un garçon qui a été choisi comme délégué de promotion. Cela m’a marqué car cela semblait naturel à tout le monde. Pas à moi !”.

    Il passera l’essentiel de sa carrière au Centre de Documentation Scientifique et Technique (C.D.S.T.)  comme rédacteur pour la base de données Transports, puis chargé de communication au CDST, ensuite chargé de la revue de presse, puis responsable d’édition au siège du CNRS. « Nous étions environ 150 rédacteurs, 2/3 de femmes, 1/3 d’hommes, se souvient-il. Donc je suis habitué à être en minorité et cela me va très bien ! ».

    Une fois la page professionnelle tournée, Abel s’implique dans le milieu associatif du vélo qu’il côtoie déjà depuis plusieurs années. « J’ai toujours fait du vélo à Paris. A l’époque, dans les années 80/90, nous étions peu nombreux et il y avait moins de circulation, cela était plus facile ». En 1996, Jean Tiberi lance un comité vélo à la mairie de Paris. Il y sera très actif. « Cela a pris du temps, mais nous avons réussi à faire rentrer le vélo comme un mode de déplacement dans la capitale ». Pour cela, Abel a travaillé avec des élus, favorables au vélo, des ingénieurs de la voirie pour pistes cyclables et aménagements, etc.

    En parallèle, Abel se lance également dans la radio : il participe durant 3 ans à une émission bi-hebdomadaire sur le vélo sur France Bleu, puis crée une émission toujours autour de la petite reine pour une radio associative entre 2016 et 2020, avant de passer la main, tout en gardant une chronique hebdomadaire. Il écrit également des articles accueillis sur le blog Isabelle et le vélo. « Je mets un point d'honneur à ce que mes chroniques radio ou écrites soient scrupuleusement épicènes » précise-t-il.

    « Par ailleurs, j’ai toujours été sensibilisé à la cause des femmes, j’ai participé à des manifestations et des associations féministes autour de la contraception et de l’avortement dans les années 70 ».

    Abel a rencontré Marie-Xavière au moment où celle-ci a publié son ouvrage sur les taxis et Olivier Razemon a fait le lien. « J’ai tout de suite trouvé extra ce qu’elle faisait avec Femmes en Mouvement. J’aime bien l’ambiance et les invitées des apéros sont toujours intéressantes ».

    Abel regrette d’avoir raté le premier événement que Femmes en Mouvement avait organisé avec 100% d’intervenantes. « C’est important de ne pas avoir que des hommes à la tribune. Lorsque j’allais à un congrès de documentalistes, il y avait souvent 8 hommes sur 10 à la tribune alors que le public était constitué à 80% de femmes. Tout le monde semblait là encore trouver cela normal », se souvient Abel. « Il y a encore beaucoup trop d’événements ou de tables rondes 100% masculines, ou avec une seule femme.  Le combat est loin d’être gagné, et il est important », estime-t-il.

    Il salue également les initiatives de Femmes en Mouvement pour encourager les femmes à investir le monde des transports. Il pense notamment aux actions menées pour leur faire découvrir le métier de conductrice de bus. « Il y en a de plus en plus mais il faut encourager cette évolution. De nombreuses professions ont mis longtemps à se féminiser et puis, parfois en quelques mois/années, il y a un point de bascule. Je pense par exemple au journalisme sportif ou à la justice. Longtemps réservés aux hommes, ce sont des métiers qui aujourd’hui sont largement féminisées. Il n’y a donc pas de raison que cela ne se diffuse pas à tous les métiers, y compris dans le transport ».

    En termes de mobilité au sens large, Abel est très favorable aux évolutions actuelles (moins de voitures individuelles, plus de vélo, bus, marche à pied). « Mais je constate aussi que si on va vers une société plus écologique, les tempéraments ne changent pas forcément. Par exemple, un livreur à vélo n’est pas forcément un cycliste, il reste d’abord un livreur, avec un tempérament de camionnettiste… ». D’autre part, il constate qu’à Paris, les piétons n’osent pas traverser. Ils attendent que les voitures passent, alors qu’ils ont le code de la route de leur côté. « Il faut qu’ils apprennent à s’imposer. De la même façon, ce sont les femmes qu’il faut convaincre de s’imposer et d’investir le secteur de la mobilité et des transports. En les aidant par exemple à se débarrasser de leur syndrome de l’imposteur et de leurs doutes par rapport à leurs compétences. Les hommes, eux, ne doutent pas des leurs lorsqu’ils postulent à une offre, même s’ils ne possèdent pas toutes les compétences qui sont demandées ! »

  • Virginie Boutueil

    Aérien, économie, énergie, mobilité urbaine, transition, recherche : voici six mots qui synthétisent le parcours professionnel de Virginie Boutueil.

    De formation ingénieure en aéronautique, Virginie a d’abord travaillé à la Direction Générale de l’Aviation Civile.

    Elle est en charge des études économiques en appui à la régulation du secteur aérien. Objectifs : une équité dans la répartition des coûts sociaux, énergétiques... et une juste concurrence entre les compagnies aériennes. Ensuite, elle, qui a toujours été passionnée par les langues, saisit l’opportunité de partir trois ans en Chine comme conseillère Aéronautique, Aviation Civile et Spatiale auprès de l’Ambassade de France. Une expérience à la croisée de la technique, de l’économie et de la diplomatie qu’elle juge extrêmement formatrice et enrichissante. A son retour, elle amorce un double virage. Tout d’abord, à la suite d’un concours interne, elle intègre le corps des Ingénieurs des Ponts et suit un master en économie de l’énergie et de l’environnement («les principaux enjeux d’avenir pour la filière transports»), puis un doctorat en économie des transports, pour devenir chercheuse.

    Par ailleurs, elle choisit de passer de l’aérien à la mobilité urbaine quotidienne. «C’est dans ce domaine que les enjeux en termes de masse et d’inertie sont les plus importants».

    Et c’est ainsi que Virginie est aujourd’hui chercheuse en socio-économie de la mobilité à l’Ecole des Ponts ParisTech (ENPC), au sein du Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT). Ses recherches portent sur les solutions de mobilité innovantes, notamment les mobilités partagées, la transformation numérique de la mobilité, et les politiques publiques associées.

    Elle est convaincue que ces mobilités partagées (autopartage, co-voiturage, taxis partagés...) vont se développer en complément et en intermodalité avec les autres mobilités.

    Alors que le pétrole représente encore 95% de la consommation énergétique dans les transports, avec tout ce que cela entraîne en termes de pollution, de tensions géopolitiques, etc., Virginie estime que la mobilité urbaine du futur passera à la fois par une diversification des énergies, une meilleure utilisation de ces énergies et une moindre utilisation de la voiture individuelle.

    Concernant la mixité dans les transports, elle a beaucoup à dire !« Le monde aérien est très masculin et compliqué pour les femmes. J’ai découvert que celui de l’automobile ou des transports en commun l’était tout autant. Il y a un vrai problème de représentation des femmes que ce soit dans les administrations, chez les industriels ou au sein de la sphère politique ».

    Adhérente de Femmes en Mouvement depuis 2020, elle salue le travail réalisé par ce réseau.« Il est très important qu’un tel réseau existe. Il permet de partager nos expériences et de trouver des moyens d’action pour faire bouger les lignes. Le secteur des transports a un énorme retard en termes de mixité et d’égalité ». Virginie veille par exemple à ne pas accepter des manels (Men Only Panels) lorsqu’elle est invitée comme intervenante. « Cela peut sembler futile, ponctuel, mais à terme cela fait la différence. Femmes en Mouvement réunit des femmes ultra compétentes dans leur domaine, plus aucune excuse pour ne pas les solliciter ! »

  • Caroline Martinez

    Chercheuse en mobilité urbaine

    Après un diplôme en psychologie obtenu en Colombie, Carolina Martinez, franco-colombienne, poursuit ses études en France avec un master de psychologie sociale. Elle découvre avec intérêt les problématiques liées aux transports et à la mobilité urbaine. « J’ai notamment effectué un stage très intéressant à l’Agence d’Urbanisme de Bordeaux, autour des actions à mettre en place pour faire changer les comportements et inciter les usagers à ne plus utiliser leur voiture individuelle »

    Elle obtient ensuite une bourse de doctorat en psychologie à l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux).Le sujet de sa thèse : les motivations et les freins liés à l’usage du vélo utilitaire en ville. Elle réalise ensuite un post doctorat sur les difficultés des nouveaux usagers du vélo en ville, notamment concernant les compétences techniques et psychologiques à utiliser le vélo avec le trafic. Parallèlement, elle est enseignante dans des établissements supérieurs.

    En 2020, elle intègre la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette (FUB) en tant que cheffe de projet de l’Académie des experts en Mobilités Actives (ADMA). Son rôle est de produire des contenus pédagogiques et techniques pour les élus, les agents municipaux, les associations, etc. « Ma conviction est qu’il faut penser la mobilité de façon à inclure tout le monde, notamment les personnes fragiles, les enfants, les femmes, les personnes âgées ou en situation de handicap.

    Si la France est beaucoup plus en avance que la Colombie sur ces questions là, d’autres pays le sont encore plus comme la Scandinavie. Les choses progressent et il y a encore beaucoup à faire en termes de prise en compte du handicap, de la sécurité des femmes, etc. sans oublier bien sûr la question climatique et l’environnement. Tout ceci nécessite une volonté politique forte ».

    « Trop souvent, en termes de mobilité ou d’infrastructures, le critère économique prévaut, sans prendre suffisamment en compte les problématiques sociales. Il y a des lobbies très puissants » regrette-t-elle.

    Adhérente de Femmes en Mouvement quasiment depuis le début, Carolina est profondément convaincue de la légitimité et de l’intérêt de ce réseau. « Il existe trop souvent une dichotomie entre les sciences dures et les sciences humaines. D’un côté, un monde très masculin, d’ingénieurs, très technique et de l’autre, un monde qui étudie les comportements, les leviers d’action, les blocages psychologiques, etc. mais qui malheureusement n’est pas forcément écouté ou pris en compte dans le monde de la mobilité, notamment sur la question des femmes ». Très assidue aux apéros de Femmes en Mouvement, Carolina apprécie de découvrir des parcours de femmes dans la mobilité. Elle a fait partie du conseil d’administration durant quelques années et a participé à l’organisation d’un atelier avec SNCF Mixité pour combattre les représentations genrées des métiers de la conduite et encourager les femmes à devenir conductrices de poids lourds ou de camions.

    « Ces dernières années, la mixité a progressé dans le secteur des transports mais trop doucement. Par exemple, lors des débats, les femmes sont encore peu présentes et osent moins prendre la parole. On entend encore régulièrement des propos machistes ». Carolina est bien consciente que ces assignations de rôles commencent très tôt et que changer les comportements passe par l’éducation dès le plus jeune âge.

  • Aline Delatte

    Au cœur de la mobilité

    « Un parcours professionnel riche en diversité construit autour de la mobilité et des femmes », voici résumée en quelques mots la carrière d’Aline Delatte.

    La première partie de sa vie professionnelle se déroule en Allemagne. Elle effectue à Berlin la dernière année de son école d’ingénieurs, l’ESTP, avant de travailler pendant 3 ans pour un bureau d’études en ingénierie voirie.

    Ensuite, souhaitant évoluer vers l’angle décisionnel et stratégique, elle reprend des études avec un master en gestion urbaine à Berlin, spécialisé dans les pays en voie de développement. Elle réalise son mémoire sur la participation citoyenne dans la rénovation urbaine. Comment parvenir à des consensus qui répondent à la fois aux besoins des usagers et au développement urbain ? Quel rôle pour les collectivités locales et les acteurs du transport ?

    Elle poursuit sa carrière en tant que chargée de projet dans des instituts de recherche allemands, en se spécialisant sur les comportements de mobilité.

    De son expérience allemande, Aline retiendra l’importance de la concertation et de la planification, culturellement beaucoup plus développées qu’en France. Sans oublier un réseau ferroviaire dense qui couvre l’ensemble du territoire, des transports en commun bénéficiant d’une image plus positive qu’en France et enfin, un usage du vélo déjà bien développé dans les années 2000.

    Puis elle est recrutée par l’UITP (Union internationale des transports publics) pour leur bureau Moyen Orient/Afrique du Nord situé à Dubaï. « C’est là que j’ai commencé à travailler sur le sujet de la mobilité des femmes ». Pendant trois ans, elle pilote un projet avec cinq universités de la zone afin de mieux comprendre les comportements de mobilité. Elle mène des groupes de discussion avec des femmes pour appréhender leurs problématiques. « Le dénominateur commun de la mobilité des femmes dans les villes du monde, c’est la question de la sécurité dans l'espace public, souligne Aline. Avec des degrés variables selon les pays, mais elle est présente à chaque fois, c'est la principale barrière à l'accès à la mobilité pour les femmes ».

    A son retour en France, en 2018, Aline souhaite continuer à travailler sur la question de la mobilité des femmes. « C’est à ce moment-là que j’ai découvert l’existence de Femmes en Mouvement. L’association était encore jeune et les réunions se faisaient en petit format ». Pendant quelques années, Aline s’implique dans le bureau, aux côtés de Marie-Xavière. « Cette phase d’accélération et de transformation de Femmes en Mouvement fut une expérience très enrichissante. La coopération avec Marie-Xavière, prête à tout pour faire bouger les lignes, a été très inspirante. La force de son enthousiasme et la qualité humaine des personnes constituant le réseau ont fait que j’ai été heureuse de mettre mes compétences au service de cette association ».

    Entre 2018 et 2022, elle est consultante pour un cabinet de conseil dans les transports en région parisienne. « C’était la première fois que je travaillais en France. Il a fallu que je me familiarise avec les acteurs de la mobilité, les mentalités, etc. ». Le rôle clé joué par les collectivités dans ce domaine l'interpelle. « Ce sont elles qui impulsent les transformations, en embarquant les acteurs et les citoyens ». En août dernier, elle saisit l’opportunité d’intégrer la collectivité du Grand Angoulême (140 000 habitants, 38 communes). « J’avais envie de m’installer dans une ville moyenne, pour avoir une meilleure qualité de vie ». En tant que cheffe de projet au sein du service planification de la collectivité, Aline coordonne l’élaboration des documents stratégiques qui définiront le futur développement de Grand Angoulême. « L’objectif est d'accompagner les élus à trouver le bon équilibre économique, environnemental et social ». Dans cette planification, la question de la mobilité est un levier fort pour réussir la transition écologique, avec à la fois des enjeux urbains et ruraux. Les solutions sont multiples et complexes : développer des infrastructures, proposer des offres de mobilité décarbonées et douces, des mobilités partagées, mais aussi favoriser la « démobilité » (trajets plus courts, tiers lieux, limitation de l’étalement urbain, etc.). « Il est important d’avoir une réflexion systémique si l’on veut réussir la transition, pour le bien de la Nature et de l'Humain » conclut Aline.

  • Véronique Haché

    Adhérente de la première heure et cheville ouvrière lors de la création de Femmes en Mouvement en 2015, Véronique Haché a posé ses valises à Marseille en 2021. Géographe et économiste des transports, elle a consacré sa carrière professionnelle à la question du transport et des nouvelles mobilités.

    Fonctionnaire de l’État depuis 2004, elle a notamment été cheffe de projet du premier plan de déplacements urbains (PDU) en Ile de France, conseillère transports de Bertrand Delanoë alors maire de Paris, et directrice d’Autolib et de vélib Métropole. Elle est actuellement directrice de l’espace public et de la mobilité de la Mairie de Marseille où l’apaisement de la circulation et un meilleur partage de la voirie sont majeurs pour la municipalité.

    « Mon engagement professionnel s’est organisé autour de quelques convictions fortes : la nécessité de diminuer la pollution atmosphérique causée par les voitures, d’organiser un meilleur partage de l’espace public avec une plus grande place accordée aux vélos et aux piétons, et enfin, d’améliorer les modes de transports notamment à l’attention des usagers les plus fragiles (femmes, enfants, personnes âgées) » explique Véronique Haché. Elle a également été particulièrement sensible à la question de la mobilité des femmes. « La mobilité a un genre, affirme-t-elle. Les femmes et les hommes n’utilisent pas les mêmes modes de transport, n’ont pas les mêmes horaires ni les mêmes contraintes ». Sans oublier la question de la sécurité et du harcèlement sexuel dans les transports en public, « même si cela relève davantage de l’éducation des hommes que des infrastructures ».

    « J’ai adhéré à Femmes en Mouvement car c’est un réseau à la croisée de mes convictions personnelles et de mes engagements professionnels, explique Véronique Haché. Il favorise les échanges professionnels et l’entraide ». Une autre force de ce réseau est d’apporter de la visibilité aux femmes dans un secteur encore très masculin et de contribuer à une meilleure parité. « On commence à voir des femmes à la tête de grandes entreprises du transport, même s’il reste encore quelques bastions masculins ! » constate-t-elle.