Synthèse de l’apéro avec Anne-Elisabeth Duchesne et Virginie Gachon
L’apéro parisien du 14 mars 2023 a clôturé notre cycle thématique autour du Transport des Marchandises, en compagnie d’Anne-Elisabeth Duchesne, présidente du GEODIS Women Network et de Virginie Gachon, membre fondatrice du collectif Otrement féminin. Nos deux intervenantes ont témoigné de leur parcours professionnel et de leurs actions pour pour faire avancer la mixité et la parité au sein de la filière.
Commençons par les deux points communs de nos invitées : toutes les deux sont auvergnates et passionnées par le secteur de la logistique et du transport, découvert un peu par hasard ! Voici en quelques lignes, leur parcours professionnel :
Un stage comme technicienne logistique export au sein de Michelin, est le déclic qui donne envie à Virginie Gachon de faire un master en ingénierie logistique, après une maîtrise en langues étrangères. Elle le fait en alternance au sein d’une entreprise de transports clermontoise. C’est le début de son intérêt pour ce secteur. Elle travaillera ensuite pour un équipementier automobile, toujours dans la logistique, avant de devenir consultante à Paris au sein d’une SSII. Puis vient l’envie de retourner vivre en Auvergne avec celui qui deviendra son mari et de « faire quelque chose pour nous et pour notre région ». Ils rachètent en 2008 une entreprise de transport, Europa Courses, spécialisée dans le transport express de marchandises. En quelques années, l’entreprise passe de 800 000 euros de chiffre d’affaires à 3 millions et emploie désormais une petite cinquantaine de personnes. En parallèle, Virginie Gachon s’engage dans différentes organisations professionnelles : elle est vice-présidente du Medef 63, présidente de la CARSAT Auvergne et présidente de la section commerce au Conseil des Prud’hommes de Clermont-Ferrand. Lorsque Jean-Christophe Gautheron, secrétaire général de l’OTRE Auvergne Rhône-Alpes, décide de créer un collectif en juillet 2020 pour valoriser les métiers de femmes dans le transport, Virginie décide tout de suite d’en devenir membre fondatrice. Le réseau, surnommé Otrement féminin, vise à faire connaître la filière transport, méconnue (« tout le monde utilise les transports et la logistique mais personne ne sait comment cela fonctionne ») et à faire tomber les préjugés, en allant sur le terrain pour expliquer que des femmes peuvent y exercer des métiers divers et gratifiants. Le collectif réunit 15 entreprises au sein de l’OTRE Auvergne Rhône Alpes qui compte une centaine d’adhérents. Leur principale action est de mener des actions de sensibilisation dans des écoles, des organismes de formation ou à Pôle Emploi, en direction de publics féminins. Par exemple, à l’heure où 50 000 conducteurs/trices manquent dans la profession, l’idée est de montrer aux femmes qu’elles y ont toute leur place. « En plus, ce sont des conductrices prudentes et précautionneuses (ce qui est prouvé par les chiffres de la Sécurité Routière et les études des assurances, NDLR) et leurs qualités relationnelles sont soulignées par nos clients » remarque Virginie. « Nous témoignons pour montrer que ce secteur n’est pas réservé aux hommes et présenter un panel de métiers possibles » conclut-elle.
““Il est important de pouvoir choisir, et de ne plus subir les stéréotypes de genre encore trop souvent présents dans nos sociétés ».”
De son côté, ingénieure en agro-alimentaire de formation, Anne-Elisabeth Duchesne, après avoir travaillé dans une usine pendant 1 an en Australie, intègre le groupe Danone. Tous les 18 mois, elle change de service : commercial, marketing, finance, puis supply chain/transport et là, c’est le coup de cœur pour ce secteur ! « J’étais au contact de gens pragmatiques et efficaces, cela me changeait des agences de publicité où on brasse parfois pas mal de vent » explique-t-elle, en souriant. Ensuite, elle est chassée par Electrolux. Une entreprise beaucoup plus masculine, mais où son poste de directrice des transports la passionne. Puis, elle fait le choix d’intégrer GEODIS en 2008 d’abord côté commercial, puis, dans la partie opérations, et maintenant aux ressources humaines. « Jusqu’à présent, même si j’évoluais dans un monde professionnel masculin, je m’étais toujours sentie à l’aise. Chez GEODIS, le fait d’être une femme à un certain niveau de responsabilité se heurtait à quelques verrous ». C’est pour cette raison qu’elle décide d’intégrer le GEODIS Women’s Network, dont elle est aujourd’hui la présidente. « Ce réseau a été créé en France il y a 10 ans sous l’impulsion de Marie-Christine Lombard, nouvellement présidente de GEODIS pour permettre aux femmes d’être accompagnées et d’oser. Le réseau s’est depuis développé dans les différents continents où GEODIS est présent : Etats-Unis, Australie, Allemagne, etc., autour de trois axes : 1) proposer des formations aux femmes (prise de parole en public, connaissance de soi, langues, lutte contre le sexisme ordinaire…) pour les aider à davantage oser, 2) changer les comportements au sein d’une entreprise où les codes masculins sont encore très présents, en mettant en avant des roles models et en montrant que les femmes peuvent occuper tous les postes, 3) apporter un équilibre global pro/perso pour que chacun puisse trouve sa voie. « Il y a 20 ans, mon mari s’est arrêté de travailler pour s’occuper de nos 3 enfants, témoigne Anne-Elisabeth Duchesne. A l’époque, il est passé pour un extraterrestre ! C’est important que les mentalités évoluent et que tout le monde, quel que soit son genre, puissent choisir l’équilibre pro/perso qui lui convienne. Il est important de pouvoir choisir, et de ne plus subir les stéréotypes de genre encore trop souvent présents dans nos sociétés ».
Toute les deux ont reconnu les difficultés pour faire évoluer les mentalités et susciter des vocations chez les jeunes femmes. Par ailleurs, faire vivre un réseau basé sur le bénévolat nécessite beaucoup d’énergie et de motivation. Anne-Elisabeth Duchesne a indiqué que la filiale américaine de Geodis Women Network était très moteur sur ces questions de parité et de mixité et que les pays nordiques devaient être une source d’inspiration pour la France (exemple du congé parental partagé équitablement entre les mères et les pères). Un sommet est bientôt organisé pour fêter les 10 ans de Geodis Women Network, avec des membres du monde entier. “Nous avons fait le choix d’inviter celles et ceux qui ont contribué effectivement aux actions et de valoriser nos ambassadeurs/trices actives” précise-t-elle.
Pour conclure, elles évoquent différents leviers d’action pour une plus grande mixité dans la filière transport : mieux faire connaître la profession et la variété de ses métiers, financer le permis pour les femmes ou leur proposer des périodes d’immersion sans perdre leurs droits au chômage, mettre en avant les horaires fixes (« commencer tôt, finir tôt » peut être intéressant pour certaines femmes), l’autonomie dans le travail, etc. Mais c’est difficile ! Marie-Xavière a rappelé le conseil de Yasmine Iamarene, fondatrice et présidente de Midi Pile, qui était notre invitée le mois dernier et qui réussit l’exploit d’avoir une majorité de femmes parmi ses livreurs : l’importance de reconnaître et de valoriser chacun de ses salariés, quel que soit son poste.
