Synthèse de l’apéro avec Yasmine Iamarene

Yasmine Iamarene (assise sur le canapé) et les participant(e)s de l’apéro

Pour ce deuxième apéro consacré au transport de marchandises, Femmes en Mouvement a accueilli Yasmine Iamarene, fondatrice et présidente de Midi Pile, une entreprise de livraison spécialisée dans la gestion du dernier kilomètre, en pleine croissance. Et paritaire ! En effet, les équipes de Midi Pile sont constituées d'un peu plus de femmes que d’hommes. Convaincue que la féminisation est un enjeu d'avenir pour la filière du transport, la jeune cheffe d'entreprise œuvre à faire tomber les stéréotypes de genre et à susciter des vocations auprès des femmes. Elle est venue partager avec énergie, passion et franchise, son parcours entrepreneurial et ses convictions autour de la parité, de la transition énergétique et de l'expérience client. 

« J’ai eu un coup de cœur professionnel pour la logistique lorsque j’ai fait mon alternance en école de commerce au service supply chain des Galeries Lafayette », raconte Yasmine Iamarene. « J’ai découvert la machine incroyable qui existe, avant l’acte de consommation ». Elle travaillera comme salariée durant 8 ans dans la logistique à différents postes, et, en parallèle, fonde une famille.

Puis arrive le Covid. « Comme de nombreux Français, je me suis fait livrer beaucoup de choses et j’ai été heurtée par trois choses : pourquoi ce moment de livraison est-il rarement agréable, pourquoi n’y a-t-il quasiment que des livreurs hommes et pourquoi est-ce si polluant ? ». Yasmine avait eu l’occasion de rencontrer des entrepreneurs et l’envie de se lancer à son tour avait germé. « Il a fallu que je dépasse ma grande peur de l’échec. Mais quand j’ai compris qu’échouer n’était pas la fin de tout, j’ai sauté le pas ». Elle quitte son poste et créé Midi Pile, une société de livraison spécialisée dans le dernier kilomètre. Elle sera incubée chez Les Déterminés à Cergy, dont elle apprécie la grande variété de profils et l’esprit. « Nous avons la chance en France d’avoir un certain nombre d’outils pour les porteurs de projets ». Elle croise alors le chemin du CEO de BNP Paribas puis Amazon qui vont croire en elle et lui donner sa chance. « Ils ont dû percevoir ma grande détermination » dit-elle en souriant. Son credo : challenger le secteur de la livraison, autour de trois axes :

Améliorer l’expérience client : « Il est important de qualifier le métier de livreur afin d’améliorer la qualité de service » estime la cheffe d’entreprise. « Souvent, les personnes deviennent livreurs par dépit, sans diplôme et sans formation ». Pour remédier à cela, Yasmine décide d’investir tout de suite dans un service RH tourné davantage vers la relation humaine que sur l’administratif. « Mon objectif est que les salariés se sentent bien chez Midi Pile. C’est un effort financier au départ mais ça marche » constate-telle. Chaque salarié bénéficie d’une formation organisée autour de 3 volets : la sécurité, les savoir-faire techniques du métier et l’expérience client. « Nos livreurs deviennent à leur tour formateurs. Je suis persuadée qu’il faut être attentive au niveau micro, de chaque salarié, en termes de formation, rémunération, évolution professionnelle, si on veut que cela marche au niveau macro » insiste Yasmine. « On est tous des boules d’émotions et on a tous besoin de considération et de reconnaissance. En les rendant uniques, les salariés ont envie de donner le meilleur » conclut-elle. Pour contrebalancer les aspects plutôt solitaires du métier, elle est attentive à créer des moments de cohésion et de convivialité.

Féminiser le métier : « Il y a une vraie pénurie de livreurs et pourtant, la plupart des entrepôts sont en banlieues ou en zone rurale, là où les femmes subissent le plus la précarité » remarque Yasmine. « Nous menons un travail avec les missions locales et Pôle Emploi pour sensibiliser les femmes, leur dire qu’être livreuse est un choix possible ». Midi Pile leur propose une semaine en immersion et si cela leur plait, elles restent. « Maintenant, j’ai des super ambassadrices qui mènent avec moi ce travail de sensibilisation ». Et elle constate moins de turnover chez les femmes et une vraie ambition à évoluer professionnellement.

Travailler son empreinte carbone : Yasmine se rend rapidement compte que la livraison écolo, ce n’est pas si simple. « A Paris, nous pouvons utiliser des véhicules électriques et des vélos cargos mais en banlieue ou en province, c’est beaucoup plus compliqué ». Mais il existe d’autres façons de réduire son empreinte carbone. « Dans les zones où l’on roule en thermique, on utilise un logiciel d’optimisation de tournées pour réduire de 30 % la durée d’utilisation des véhicules » indique-t-elle. L’objectif de Midi Pile est de choisir le véhicule le plus décarboné possible selon la zone de livraison. « Par ailleurs, si on travaille avec les collectivités locales, on peut progresser. Cela prend du temps mais ça marche ! ». Par exemple Cergy a mis en place un hub logistique pour réguler les livraisons et centraliser le stockage des marchandises à l’entrée de la ville.  

Dix-huit mois après sa création, Midi Pile compte déjà 140 salariés, dont 56% de femmes. Elle est présente en Ile de France, à Bordeaux et à Marseille et projette de s’implanter dans les principales grandes villes de France. Yasmine est en train d’effectuer une levée de fonds pour réaliser ses ambitions de déploiement.  

Pour elle, le secteur de la livraison ne pourra évoluer que si les consommateurs prennent conscience que la livraison a un coût. « On a trop voulu tirer sur les prix, en faisant comme si la livraison était gratuite. Résultat : cela se passe souvent mal ». Le revalorisation et l’attractivité du secteur sont également de la responsabilité des e-commerçants. « Si on travaille tous ensemble, on peut faire bouger les lignes » conclut la cheffe d’entreprise, fière de faire évoluer le regard sur le métier du transport, trop souvent caricaturé, et de créer de l’emploi pour les femmes.

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