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Apéro avec Alexandra Debaisieux

Pour l’apéro du mois d’avril, Femmes en Mouvement a accueilli Alexandra Debaisieux, la Directrice Générale Déléguée de Railcoop le jeudi 14 avril 2022 !

« J’ai eu envie de m’engager dans cette aventure collective ferroviaire »

Avant de se lancer dans l’aventure du ferroviaire, Alexandra Debaisieux était spécialisée dans les financements européens. Diplômée de Sciences-Po Strasbourg, elle a commencé comme assistante parlementaire au Parlement européen, en se spécialisant sur les sujets environnement et développement durable. Puis elle a lancé son propre cabinet de conseil en financements européens, notamment auprès des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). « Je cherchais à rendre concrets des projets d’intérêt général » résume-t-elle. Après 15 années à la tête de ce cabinet, elle l’a revendu. Parallèlement, son frère, Nicolas Debaisieux, dont elle est très proche, après une carrière dans les institutions européennes, est parti s’installer dans le Lot en 2018. Rapidement, il s’intéresse aux questions de mobilité durable et de développement dans les territoires ruraux. 

Avec un petit groupe d’une douzaine de personnes, ils réfléchissent à comment concilier transition écologique et maillage territorial. Le train leur semble pertinent. Pour Alexandra et son frère qui ont grandi à Belfort, en face des ateliers du constructeur de matériel ferroviaire Alstom, où leur grand père, soudeur, travaillait, c’est une façon de renouer avec leurs racines familiales. 

L’infrastructure ferroviaire existe toujours mais n’est plus tellement exploitée. Conscients qu’ils n’ont pas les moyens financiers et techniques suffisants, ils décident de se fédérer en coopérative pour développer leur projet. « L’idée de cette aventure collective était de rassembler des compétences diverses car une entreprise ferroviaire est très complexe. Les sociétaires ont des motivations diverses : des passionné.es du train, des personnes concernées par la transition énergétique ou qui ont eu un coup de cœur pour le projet » détaille Alexandra.

Aventure collective

« Le modèle coopératif est depuis longtemps très répandu dans certains domaines, comme l’agriculture et revient dans d’autres » constate-t-elle. C’est ainsi qu’ils décident de lancer Railcoop et de devenir membre du collectif Licoornes, des coopératives qui agissent dans le domaine de la mobilité, de l’énergie, de l’agroalimentaire et qui veulent proposer une alternative aux multinationales. La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) Railcoop est née il y a 2 ans, avec 32 sociétaires. Avec un conseil d’administration de 15 personnes et une direction générale bicéphale : son frère Nicolas, pour la partie ferroviaire et Alexandra pour les finances et les relations avec les institutionnels. Le siège est à Figeac mais une partie de l’équipe est en Alsace, où elle-même vit. Aujourd’hui, 12 000 sociétaires ont rejoint Railcoop : des citoyens, des associations, des entreprises, des collectivités locales… Ils sont répartis au sein de cinq collèges : salariés, personnes physiques (98 % des sociétaires), personnes morales, collectivités et partenaires techniques et financiers. « Les votes sont pondérés, et chaque collège compte pour 20 % des voix'', explique-t-elle. Les sociétaires qui le souhaitent participent à des cercles de réflexion, puis leurs travaux sont présentés au conseil d’administration et aux opérationnels qui jugent de leur faisabilité ».

La SCIC vise l’équilibre financier mais est basée sur un modèle non spéculatif. « Nous avons l’obligation de garder au moins 57,5% des bénéfices dans l’entreprise, ce qui permet de développer certaines expérimentations locales pour lesquelles le modèle économique est plus difficile à trouver ». NB : investir dans Railcoop répond aux critères de la loi Madelin et 25% du montant investi peut être défiscalisé, à condition de conserver les parts pendant au moins 5 ans.  

L’objectif est d’avoir une réelle utilité sociale en relançant des trains dans des territoires ruraux enclavés et d’opérer à terme dans toute la France. La première ligne passagers qui devrait rentrer en service fin 2022 est la ligne Bordeaux-Lyon, longue de 430 kilomètres, passant par le Massif central et définitivement fermée par la SNCF en 2014. « Même s’il existe encore certains TER, il n’y a plus de service de bout en bout. Cette ligne n’a pas été arrêtée par manque de rentabilité mais parce que la stratégie de la SNCF, à partir des années 90, a été de rabattre les passagers sur les TGV et donc d’abandonner les lignes intermédiaires » rappelle Alexandra.

Cette ligne Bordeaux-Lyon (qui passera par Libourne, Périgueux, Limoges, Saint-Sulpice-Laurière, Guéret, Montluçon, Gannat, Saint-Germain-des-Fossés et Roanne…) est très attendue aussi bien des particuliers, que des milieux économiques et des collectivités territoriales. 2 allers et retours en journée, pour un trajet d’une durée totale de 7h30 environ. « Avec 690 000 voyageurs annuels estimés et un billet à 38 euros, nous pensons pouvoir être à l’équilibre, précise Alexandra. Actuellement le coût par train-kilomètre est de 25 euros en France, contre 16 au niveau européen. Avec Railcoop, nous visons 19 euros ». 

Complémentaire plutôt que concurrent

Plusieurs défis pour rouvrir cette ligne ont déjà été relevés : atteindre un capital social minimum, obtenir une licence d’exploitation et un certificat de sécurité. Mais d’autres restent encore à franchir : parvenir à boucler leur tour de table financier pour financer l’achat de rames d’occasion, recruter du personnel en gare et roulant, obtenir des créneaux horaires attractifs auprès de la SNCF, etc. Précision : Railcoop est une offre de services complémentaires au service public qui s’inscrit dans le cadre des services librement organisés (c’est-à-dire non subventionnés) de voyageurs et de marchandises.

Depuis novembre 2021, Railcoop a relancé des trains de fret entre Toulouse-Capdenac. Leurs premiers clients ont été des entreprises coopératives telles que Ethiquable. 

Cette présentation a suscité beaucoup de questions, notamment autour de leur rapport avec la SNCF. « Au départ les relations ont pu être difficiles, concède Alexandra, mais maintenant on travaille en bonne intelligence que ce soit avec SNCF Fret ou Voyageurs et on se voit davantage comme complémentaires que comme concurrents. On travaille avec la SNCF pour que nos trains viennent compléter l’offre TER, car plus il y a d’offres, plus les gens prennent le train ». Elle évoque également de bonnes relations avec la DGITM (direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités) ou encore avec le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales. 

Des questions ont également tourné autour du recrutement. « Nous avons reçu l’agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) octroyé par l’Etat par rapport à différents critères : l’utilité sociale, le plafonnement des rémunérations qui ne doivent pas dépasser un rapport de 1 à 7 (chez Railcoop, c’est même de 1 à 6), l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes, la parité au sein des effectifs, etc. Malheureusement, les candidatures féminines pour certains métiers sont rares mais nous veillons à favoriser au maximum la parité que ce soit au conseil d’administration ou dans nos recrutements », souligne Alexandra. 

« On se voit vraiment comme un acteur de la mobilité durable du quotidien et comme une boîte à outils des territoires », conclut Alexandra. Après la ligne Bordeaux-Lyon, Railcoop a 10 autres projets de lignes passagers, qu’elle a déposé auprès de l’autorité de régulation des transports, dont Massy-Brest, Saint-Etienne-Thionville, le Croisic-Bâle ou encore Lille-Nantes. 

Envoyé Spécial avait consacré un reportage à Railcoop en janvier 2021.

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